Merci à tous pour votre présence à cette journée où nous allons, avec nos modestes moyens, tenter d’aborder un sujet douloureux, longtemps négligé : le Lebensborn, ou « Source de vie », terme qui cache un double programme mis au point par les nazis. Ich danke Ihnen allen fürs Kommen : heute wollen wir uns für ein schmerzhaftes Thema interessieren, das lange vernachlässigt wurde : der Lebensborn. Hinter diesem Programm steckt ein zweiköpfiges Programm der Nazis. En 1995, dans « reconnaître le fascisme », Umberto Eco écrivait : « Le fascisme est devenu un terme s’adaptant à tout parce que même si l’on élimine d’un régime fasciste un ou plusieurs aspects, il sera toujours possible de le reconnaître comme fasciste. Enlevez-lui l’impérialisme et vous aurez Franco et Salazar ; enlevez le colonialisme et vous aurez le fascisme balkanique. Ajoutez au fascisme italien un anticapitalisme radical (qui ne fascina jamais Mussolini) et vous aurez Ezra Pound. Ajoutez le culte de la mythologie celte et le mysticisme du Graal (totalement étranger au fascisme officiel) et vous aurez l’un des gourous fascistes les plus respectés, Julius Evola. En dépit de cet imbroglio, je crois possible d’établir une liste de caractéristiques typiques de ce que je voudrais appeler l’Ur-fascisme, c’est-à-dire le Fascisme Primitif et Eternel. » Dans le cas du nazisme, le racisme est d’emblée et ouvertement au programme. Pour les nazis, la race germanique doit dominer le monde, et, au sein de celle-ci, l’élite c’est la race nordique (blonds aux yeux bleus). Le déclencheur du Lebensborn, c’est probablement un rapport qui estime à quelque 700.000 le nombre d’avortements, chaque année, en Allemagne : rien que la moitié constituerait une armée. Encore faut-il que cette armée soit constituée d’individus de la race supérieure. Le natalisme, lui, sert l’hégémonisme. Officiellement, on va lutter contre l’avortement ; ne perdons pas de vue la double fonction du discours nazi : d’une part rassembler en construisant l’ennemi. L’ennemi, c’est le youpin, le voleur de poules, le negro, le pédé, etc…toutes ces catégories auxquelles on attribue un triangle de couleur différente dans les camps de la mort. Pour les catholiques, les Juifs sont ceux qui ont crucifié le Christ ; quant à Luther, on lui doit la citation « Si je dois baptiser un juif, je l’emmène à un pont au-dessus de l’Elbe, lui attache une pierre autour du cou et le pousse en disant : je te baptise au nom d’Abraham ». L’antisémitisme, la répression de l’avortement et de l’homosexualité : un ordre moral qui attire des voix. Sans parler de l’éternité promise, par bail de mille ans, à ceux qui survivront au Jugement dernier, préparation psychologique à l’élimination de l’Autre, au génocide. La célèbre affiche que vous voyezest vraie mais incomplète. Les nazis ne seraient pas parvenus au pouvoir sans soutien économique. Mais tout ramener aux facteurs économiques ne suffit pas: le parti nazi a trouvé aussi une légitimité dans certaines masses populaires (Hitler envoie la SS mater les SA qui distribuent l’argent des banques), mais aussi des élites : à la fin de la première guerre mondiale déjà, les juristes allemands s’étaient prononcés à l’unanimité contre la Constitution de Weimar, jugée trop libérale. On ne compte pas le nombre de scientifiques qui vont soutenir Hitler, même des prix Nobel. Comme le rappelle le docteur Cymes, dans « Hippocrate aux enfers », quand le Reich lance un appel aux médecins à participer aux recherches « raciales », 70% d’entre eux se porteront volontaires. Je me permets de vous livrer quelques interrogations que le thème du Lebensborn a suscitées en moi, très abductivement : - Comment rassembler dans un même jugement le projet Lebensborn, le statut de la femme en RDA, la politique dite de l’enfant unique en Chine ou la répression de l’avortement dans la Roumanie de Ceaucescu ? Quel contenu donner au concept de totalitarisme ? - L’évocation de ce qu’ont subi les victimes du Lebensborn évoque des réactions différentes en Allemagne et en Belgique ou en France : si l’empathie est à ce point liée au substrat culturel, la validité de l’empathie en tant que méthode ne doit-elle pas être relativisée ? En Belgique, on nous a trop souvent habitués à confondre antifascisme et germanophobie. A qui profite cet amalgame ?
- Les victimes du nazisme furent nombreuses, et chacune vient compléter
l’image que nous nous faisons de ce régime : n’est-il donc pas
indispensable d’évoquer toutes les catégories de victimes, sans les
hiérarchiser quantitativement ? Permettez-moi de remercier tous ceux qui nous soutiennent : la ville d’Aix, l’Université Populaire d’Aix, « Demokratie erleben / vivre la démocratie », émulation du syndicat DGB, les affaires culturelles de la province de Liège, les Territoires de la Mémoire. Et puis tous ceux qui m’ont aidé à mettre ceci sur pied, ainsi que le domaine de Wégimont et son personnel pour leur bon accueil, ce qui n’allait pas de soi puisque l’image du lieu est plutôt synonyme de joie de vivre. Enfin, ce n’est pas la première synergie entre les Territoires, la VVN (antifa) d’Aix et La Raison, et j’espère qu’il y en aura d’autres. Vous trouverez la traduction des textes dits dans les brochures mises à votre disposition. Le procédé est fastidieux mais c’était le seul à notre portée. Zu Ihrer Verfügung stehen geheftete Broschüren mit der Übersetzung der vorgelegten Texte. Je nous souhaite à tous d’être au terme de cette journée un peu plus riche qu’au début. Ich wünsche uns allen am Ende dieses Tage sein bisschen reicher gerworden zu sein. |